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mardi 14 juin 2011

QUI EST BERNARD MUNA ?


CARRIERE

Après ses études primaires et secondaires au Cameroun, Bernard MUNA partit en Grande Bretagne pour des études supérieures, à l’issue desquelles il fut admis au Barreau Anglais en mai 1966. Il commença sa carrière de juriste (magistrat) au Cameroun en septembre 1966 lorsqu’il fut nommé Procureur de la République près du Ministère public du Cameroun occidental alors fédéré, et devint Magistrat en 1969. Il quittera ses fonctions de magistrat en 1971 pour s’engager dans une carrière d’Avocat. Il est le dernier Secrétaire du Barreau des Avocats du Cameroun Occidental.

Elu en 1977 au Conseil du Barreau des Avocats nouvellement créé, il en deviendra le Président élu en 1986. Ses pairs lui renouvelleront exceptionnellement leur confiance durant trois mandats successifs de deux ans chacun. Son engagement dans la défense des droits de l’homme et la lutte pour la démocratie lui vaudra l’honneur d’être à nouveau élu sans opposition par le Barreau pour un dernier mandat de deux ans. Durant ces 6 années de service au Barreau, Me MUNA travaillera inlassablement à promouvoir le respect des droits de l’homme au Cameroun. Durant tout son règne, Il organisera des

conférences annuelles sur les droits de l’homme, la liberté de la presse et les questions du genre, soit à Yaoundé soit dans l’un des pays de la sous-région de l’Afrique Centrale. Il conviait alors les représentants des Barreaux de l’Afrique Centrale, de l’Afrique de l’Ouest, de l’Europe et du Canada. Durant son règne, il bâtira une collaboration étroite entre le Barreau du Cameroun et le Barreau du Canada, ce qui eut pour retombée la création d’une Task Force conjointe entre les deux Barreaux chargée d’étudier les questions relatives aux droits de l’homme dans les pays en voie de développement. Un ouvrage intitulé « La charte modèle des droits de l’homme pour les pays en voie de développement ». Durant son règne, face à la tentative d’annexion du Barreau par certains membres du gouvernement, aux fins de l’assujettir au Ministère de la Justice, Ben MUNA il galvanisera les membres du Barreau à lutter énergiquement pour l’existence effective d’un Barreau véritablement indépendant et dynamique. Pour la petite histoire, une loi limitant l’indépendance du Barreau et le plaçant sous la tutelle du Ministère de la Justice était votée au Parlement en 1987 et 1989, deux fois des suites, le Barreau s’opposa radicalement à cette loi et le Président de la République ne la promulgua finalement pas.

En 1987, il fut élu Président de l’Union des Avocats de l’Afrique Centrale (UNAAC), regroupant 10 pays et fut réélu en 1991. Durant son mandat à la tête de cette organisation, l’Union s’opposera sous sa houlette, à la tentative de « fonctionnalisation du Barreau » par le gouvernement de la République du Congo. (Cette fonctionnalisation consistait à convertir les avocats de la République du Congo en fonctionnaires, mettant ainsi fin à la nature libérale de la fonction d’Avocat). Cette autre lutte sera couronnée de victoire, car le Chef de l’Etat du Congo mit un terme à ce projet initié par le ministre de la justice. Ben MUNA est aussi membre de l’Union Internationale des Avocats basée à Paris, où il a aussi occupé le poste de Vice-président pour le Cameroun durant 6 ans. Il est membre du Sénat International de cette organisation.

S’appuyant sur son statut au Barreau du Cameroun, il en fera un cheval de bataille pour la promotion des droits de l’homme, ce qui fera de lui un leader dans la défense des droits de l’homme en Afrique et au-delà. Membre actif de « l’International Committee for a community of Democracies », alors basée à Washington, il devint un adepte avant-gardiste de la démocratie en Afrique. Me MUNA rêvait d’un Cameroun qui soit le model de démocratie par excellence en Afrique et fut le premier à dénoncer les violations des droits de l’homme et l’absence des institutions démocratiques dès lors qu’il prit conscience de l’abandon par le pouvoir politique de ces idéaux nobles au profit d’une dictature galopante. A cet effet, il mobilisera le Barreau dans la lutte

pour la reconnaissance du droit à la création des formations politiques, comme faisant partie des droits de l’homme.

Le 28 mars 1990, au cours d’une Assemblée Générale des Avocats tenue à Douala, le Barreau adressa une lettre au Chef de l’Etat pour exprimer leur adhésion à une démocratie multipartisme, et au mois d’août suivant, le Chef de l’Etat avertira ses militants au cours de la convention de son parti de l’imminence de la compétition politique. Ben MUNA fera le tour des Barreaux de l’Afrique Centrale, de l’Ouest, de l’Est et de l’Afrique du Sud, pour persuader ses pairs d’œuvrer en faveur de l’émergence de la liberté d’association politique en Afrique.

Ayant expérimenté les limites du multipartisme dans le projet de démocratisation de la société (le multipartisme n’est pas en soi une démocratie), il militera pour l’éducation des camerounais à la défense des droits de l’homme et la construction d’une société véritablement démocratique. Il est actuellement leader de l’Association pour une Afrique Unie dont il est le fondateur et l’un des promoteurs. Très conscient du coût et du poids de ces engagements sur ses modestes économies (il faut des moyens pour concevoir les programmes d’éducation pour le grand public, faire des tournées à travers l’Afrique pour assurer la sensibilisation des citoyens sur les vertus de la démocratie et des droits de l’homme comme socle de l’édification d’un Continent africain économiquement et politiquement stable et viable.)

En mai 1997, il fut nommé Procureur-adjoint auprès du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). Responsable du Bureau du Procureur du Tribunal, il aura la charge de gérer un staff de plus de 250 personnes, parmi les quelles entre autres le Procureur en Chef, les Procureurs Principaux, gérant chacun une équipe de 5 procureurs, les avocats de l’accusation et les conseillers juridiques, un service de police ayant à sa tête un Directeur chargé des enquêtes, des commissions d’enquête et des enquêteurs, un département d’interprétation et de traduction, un département de sécurité ainsi qu’une direction général et un personnel d’appui constitué des locaux et expatriés. Au moment où il prend fonction au poste de Procureur adjoint à Kigali, le Tribunal traverse une situation trouble qui commence à entamer sérieusement la confiance mise en ce Tribunal par le gouvernement du Rwanda. L’histoire retiendra que durant sa dispensation, il mettra son dynamisme, sa maitrise des textes, son sens de l’investigation ainsi que sa finesse politique contribueront grandement à remettre le Tribunal sur les rails. Le climat des relations entre le Tribunal et le gouvernement Rwandais (alors très morose avant son arrivée) s’en verra apaisé, ce qui permettra au Tribunal de poursuivre sereinement ses investigations. Il organisa et dirigea, en étroite collaboration avec les autorités

kenyanes les premières arrestations massives des suspects et supervisa personnellement les enquêtes, la traque et les arrestations des suspects dans plusieurs pays africains et européens. Sous sa dispensation, les services du procureur obtinrent pour la première fois des condamnations pour génocide et des condamnations pour viol des femmes classés comme crime de génocide. Six mois seulement après sa prise de fonction, le journal « Ubutabera » basé à Arusha, et publié par « l’Association intermédia » fera une description assez pointue et objective du Procureur-adjoint Ben MUNA dans un article dont voici la teneur :

“Muna le Puma”. Il n’est pas dit que le surnom reste dans l’histoire ni que l’intéressé s’en accommode. Mais l’anecdote veut que ce soit cette image féline, bien qu’au demeurant peu physionomiste, qui soit collée au procureur adjoint du tribunal pour le Rwanda, Bernard Acho Muna, lors de l’Opération NAKI. S’il est un trait qu’il pourrait souhaiter retenir le nouveau maître du parquet de son totem animal improvisé, c’est la rapidité. « Il va vite », lâche un des ses adjoints, d’un ton net et la mine comme soulagée de pouvoir ainsi mettre aux oubliettes les critiques de « l’avant-Muna » sur les lenteurs du bureau de Kigali. Le procureur de son cote ne se lasse pas le dire : il reste deux ans avant que le mandat du TPIR n’expire et, pour sa part, il n’a guère l’intention d’y finir sa vie. Il est clair qu’en trois mois, la marque du camerounais a profondément bouleversé, non seulement le parquet, mais le tribunal dans son ensemble.

Avoir le pouvoir et l’assumer

A l’évidence, l’homme a le goût de diriger et la trempe d’un décideur. Au point de semble, parfois, manquer aux règles élémentaires de bienséances envers celle qui demeure son chef hiérarchique. Ainsi, lors d’une conférence de presse à Kigali, le 4 août, il ne laisse pas entendre un instant que l’opération du Kenya puisse être le fait de quelqu'un d’autre de lui seul. « J’ai mon indépendance, personne ne peut mettre la pression sur moi. Je fais mon travail. Ensuite, je rapport. Si j’ai mal fait, je serrais sanctionné », assène-t-il. Question de responsabilité, ajoute-t-il, en substance. Sarcastique, un journaliste Rwandais se demande alors si, avec une telle indépendance de son délégué, le procureur général « a encore un raison d’être ». « C’est une question de pouvoir et non

indépendance. Je dis que si l’on a peur de faire des fautes, on ne fait rien et on est aussi sanctionné » rétorque Bernard Muna. L’homme est visiblement conscient que, au Rwanda, sa virginité est un grand atout. L’image du TPIR - et de Louise Arbour en particulier – y est tellement dégradée qu’il ne peut prendre le risque de trop s’y associer, du moins dans l’immédiat. L’occasion de ce faire connaître comme « l’homme de NAKI » est trop belle. Il lui sut capitaliser, sans nuance, quitte à s’attribuer l’entier bénéfice d’un travail forcement mené de longue haleine.

Montrer l’exemple et mouiller sa chemise

« Muna est un réformateur. Il voit (le TPIR) comme un défi », assure un des ses anciens confrères camerounais, observateur distant mais confiant de son ancien camarade d’opposition. Pour le relever, il joue d’une main de fer dans un gant de velours. Discipline et esprit d’équipe: dès son arriver, il avait inscrit sa méthode de travail sous ce diptyque (voir Ubutabera No. 9). Deux personnes ont déjà fait les frais de la remise en ordre : l’un de ses substituts pour avoir dénigré le Tribunal dans un lettre au Vice-président Rwandais, (voir Ubutabera No. 12 et 13) et un policier hollandais pour avoir refuser de retirer le drapeau de son pays gaillardement harnaché a son véhicule onusien et exprimé « un mépris total pour l’hiérarchie ». En contrepoint de sa rigueur, l’homme offre a ceux qui veulent le suivre les satisfactions de « l’esprit de corps » dont la formation, nous affirme-t-il fut « sa première préoccupation ». Ses équipiers son unanimes : le ‘boss’ n’hésite pas a mouiller sa chemise. S’il a manifestement pris goût aux « opérations », il compte aussi se mêler à la joute judiciaire. « Je dois montre l’exemple ; je prendrai une équipe » dans les procès, nous annonce-t-il lors d’un entretien à Kigali. Ses partisans louent le fonceur, tandis que ses adversaires de la défense dénoncent le « cow boy », quand il s’autorise une visite fracassante au centre pénitentiaire d’Arusha (voir Ubutabera No. 15). Les détenus vont vite fait de relever ce trait d’expression caractéristique, quand le chef de l’accusation ouvre de « gros yeux » et retrousse la langue, bouche bée. »

Après quatre ans de fonction au Rwanda, il prendra un congé sabbatique d’un an qu’il mettra à profit installer un bureau à Londres dans lequel il se consacra à l’étude des causes de l’échec de la constitutionnalité dans les pays africains mais aussi des obstacles liés à l’instauration du modèle de démocratie occidentale dans les sociétés africaines à caractère multi-ethnique, multi-tribal et multi-culturel. Ses recherches seront sanctionnées par la production d’un ouvrage intitulé « Le défi de la démocratie en Afrique ».

Il a renoué depuis lors avec sa fonction d’avocat dans ses bureaux de yaoundé, bien qu’il soit plus porté vers son rôle de consultant international sur les questions d’ordre constitutionnel, sur la démocratisation et la construction des sociétés africaines régies par le droit.

Ben MUNA est co-auteur d’un ouvrage commis dans le cadre de la coopération entre le Barreau du Cameroun et le Barreau du Canada, intitulé : un code modèle des droits de l’homme pour les pays en développement.

SES ECRITS

Entre autres communications délivrées par Me Ben MUNA dans le cadre des forums, conférences, diners-débats, auxquels il a pris part le long de son parcours, on peut en citer quelques uns que voici :

1) « Human Rights in Africa », (Les droits de l’Homme en Afrique) International Lawyers Union, Quebec&Montréal, 1987 (Congrès Annuel)

2) “Freedom, the Soul of Development”, (La liberté, au cœur du développement) International Lawyers Union, Strasbourg, 10-13 septembre 1990 (Congrès Annuel)

3) “Prospects for Multiparty Development in Africa – The Unfinished Revolution” (Perspectives du développement du multipartisme en Afrique – Une révolution inachevée) Third International Conference on Democracy, Washington, 1991.

4) « Pluralism and Minority Rights » (Pluralisme et droit des minorités) Unesco International Forum on Culture and Democracy, Prague, September 1991.

5) « Communication and People’s Rights » (Communication et droits des peuples), Association Mondiale pour une Communication Chrétienne – Conférence Régionale Africaine, Windhoek, Septembre 1991.

6) « The second Liberation of Africa – The Fight for Human Rights » (La seconde libération de l’Afrique – La lutte pour les droits de l’Homme), Congrès des Etudiants Camerounais basés aux USA, Atlanta – Georgie, 17 août 1991.

7) « Accessible Justice for All » (La justice à la portée de tous), Union internationale des Avocats, Congrès du Mexique, juillet 1991.

8) « Christians and Politics » (Les Chrétiens et la politique), Forum Chrétien de Yaoundé, 1992.

9) « Africa Unity : The key to Peace, Stability and Development » (L’unité africaine : socle de paix, de stabilité et de développement), Deuxième conférence Mondiale pour la Paix , Séoul, mars 1994.

10) « Law as a tool for Africa Unity », (Le droit comme instrument au service de l’unité africaine), 6ème Conférence biennale de l’Association des avocats africains, Abuja, Nigéria, mars 1991.

11) « The International Charter of Human Rights », (La Charte Internationale des droits de l’Homme), Centre africain d’étude de la démocratie et des droits de l’Homme. Human Rights workshop for African Anglophone Magistrates, Banjul, Gambia.

SES OUVRAGES

12) Le Cameroun face aux défis du 21ème siècle, 1993 : Dans cet ouvrage, Bernard MUNA s’appuyant sur le Cameroun comme cas d’école, promène habilement le lecteur à travers un état des lieux social et politique camerounais au lendemain des indépendances, qui n’est manifestement pas mémorable. Cet essai est une approche critique digne d’intérêt pour toute personne qui se sent concernée par le devenir du Cameroun en particulier et des Etats africains en général.

13) Le défi de la démocratie en Afrique : l’instauration de la démocratie dans les sociétés multi-ethniques et multi-tribales. (2008) Dans ce deuxième essai, l’auteur remet en question l’universalité du

modèle de démocratie multi-partite prôné par l’occident comme étant une panacée pour les Etats africains. Il remet à l’ordre du jour la définition étymologique du concept « démocratie », à partir de laquelle il démontre que le système actuel régi par la logique du « gagnant prend tout » n’obéit pas au principe de base de la démocratie qui est d’abord et avant tout « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». il prône la remise en question de ce système importé dans le dessein de le moduler et l’adapter ainsi aux réalités multiculturelles et multi tribales africaines.

14) Dieu le politicien : Un essai sur la manière dont les citoyens qui ont la crainte de Dieu devraient faire la politique. (2008)